« Le voyageur peut faire halte pour se rafraîchir dans un des nombreux villages compacts resserrant leurs toits de laves grises autour d'une source ou d'un étang.
S'il suit le chemin qui serpente au fond d'une des profondes vallées entaillant les larges plateaux du Jura, comme la vallée de la Loue, dont les versants sont tapissés de vignes.
Sur le plateau, la neige recouvrant tout six mois par an, les loups enhardis par la faim au cours des hivers, les grands ours gîtant dans les fourrés.
Les villages sont distants et il n'est pas rare de faire de mauvaises rencontres sur ces chemins qu'empruntent seulement quelques colporteurs seigneuriaux,
ou percevant des droits économiques particuliers dans ces villages appelés justement ''mipartis'' voir ''tripartis''.
Ces appellations proviennent en effet de la coexistence dans ces villages de statuts de terres et de statuts des personnes différents.
Les mêmes habitants pouvant dépendre de deux voir trois souverainetés
toujours facilement identifiables,(les blasons étaient visibles).
Ce sont ces excès qui provoquent les conflits et les procès qui en résultent.
Ces terres incertaines sont avant tout, de véritables paradis pour les seigneurs locaux, maîtres absolus de ces territoires, dont les verdicts sont sans appel mais aussi pour les hors-la-loi, les bannis, faux-sauniers, faux-monnayeurs, gibier de potence et brigands de tout poil qui vivent là dans une quasi-impunité.
Ce ''paradis fiscal'' et aussi un enfer pour les paysans ballottés entre plusieurs juridictions et constamment sur la route des envahisseurs.»
L. Febvre.