Le Royaume d'Esterno est à l'origine un ''alleu noble'', une terre possédée en
pleine propriété et sans redevances à aucunes seigneuries supérieures
Une famille règne sur ce petit Monaco local, la famille d'Esterno.
Les nombreuses variantes orthographiques ne sont dues qu'à sa longévité.
Ses alliances lui garantiront toujours une place parmi les hautes sphères du pouvoir en Comté, toujours proche du cercle dirigeant, qu'il soit comtois, espagnol, autrichien, ou français !
Ses alliés sont les de Scey, d'Alaise, de Beaufort, d'Arlay et de Vesoul.
En 1132, Étienne d'Esterno est Chevalier, la famille est ancestrale, elle abonde déjà de dons pour la constitution des abbayes (en 1128 pour Notre Dame de Billon avec charte confirmative de l'évêque bisontin et en 1134 pour l'abbaye des Trois Rois).
En 1176, la famille noble d'Éternoz adopte le cri de guerre: ''Esterno, ab œterno, ad œternum'', (Esterno, depuis l'éternité, pour l'éternité) et cela va vite se vérifier...
Le 11 mai 1189, le chevalier part avec la suite de Frédéric Barberousse (l'empereur germanique) à l'appel du Pape pour la troisième croisade sur la Palestine.
Dès 1240, ses relations avec Jean de Chalon (la lignée des Princes d'Orange basée à Nozeroy est la plus puissante en Comté) lui permettent de gouverner le château de Montmahoux (reconstruit en 1250) et d'asseoir désormais la fortune familiale sur
la fiscalité du sel de notre ''Haute-Bourgogne'', la famille s'unit avec les De Scey.
Eudes, qui reçoit des De Chalon dix livrées de terre de rente supplémentaire en 1259, vassalise officiellement la famille à Jean II de Chalon en 1278, ce qui met de fait Coulans sous protection fiable.
En 1299, c'est dix livres de rente annuelle prélevée sur la saunerie qui tombe dans l'escarcelle de la famille grâce aux De Chalon.
En 1316, Jehan marque l'histoire, abbé de Baume les Messieurs, président du parlement de Bourgogne et surtout conseillé de Jeanne de Bourgogne (l'héritière usufruitière de la Franche-Comté et femme du roi de France Philippe-le-Long).
Il est derrière la gestion successorale du Comté et du Duché de Bourgogne !
En 1339, le petit fils d'Eudes, Gui devient vassal de noble et puissant messire Thiebaut de Scey.
En août 1359, c'est Guillaume et le seigneur de Scey qui attaquent le château de Joux (le plus imprenable de la comté) pour le compte de Philippe 1er de Bourgogne.
En 1367, la famille vend une seigneurie du Val-de-Mièges.
Puis vint une période de mystères à ne pas divulguer pour la noble lignée familiale...
En 1401 on rapporte que Guy d'Esternoz (ou Guyot d'Esternos) dit ''le bâtard'' est légitimé, il s'agit aussi du curé de Coulans...
On prétend que cet homme originaire de Salins (guyot de Molamboz) rejoint alors une lignée éteinte en réalité, il est anoblit en 1411 et ne va pas démériter.
Le curé de Coulans, avait fondé en 1412 une église-collégiale à Éternoz qu'il avait dotée de son fief local ainsi que de ses biens de Coulans.
Guy est également procureur du Prince d'Orange (c'est dire s'il connaît les intérêts du souverain) et lui rachète le château d'Éternoz en 1416.
En 1422, Louis de Chalon-Arlay, soucieux d'augmenter la dotation pour l'hôpital de Nozeroy (fondée par son père), obtient de notre curé son consentement pour réunir les chapitres de Nozeroy-Mièges (hôpital et prieuré) à celui d'Éternoz-Coulans (collégiale).
Dans une bulle-pontificale, le pape Martin V confirmera personnellement cette union.
Guy est un grand donateur pour cet hôpital qui est surtout un lieu d'accueil pour déshérités, or le don à une œuvre de charité est chose rare pour l'époque.
Pendant ce temps, en août 1421, Jean est fait chevalier par le Duc de Bourgogne devant les armées rangées en ordre de bataille avant le grand choc face aux dauphinois.
Guiot liera la famille par mariage avec Girarde à la lignée de Nozeroy en 1453.
Parmi leurs enfants, (la famille se nomme Desternols en 1521), Antoine est tué par la garde rapprochée de François 1er en 1525 à la bataille de Pavie aux côtés de Jean d'Andelot (seigneur de Myon) qui sera blessé à la joue par le Roi.
François 1er sera finalement capturé par la noblesse comtoise coalisée contre la France lors de cette bataille.
Simon, pensionné en 1556 par Charles Quint (commandité par Philippe II, roi d'Espagne pour la retraite de son ''cher et bien aimé écuyer''), est seigneur de Malans.
Le malchanceux est tué en duel à l'Auberge du Soleil à Besançon en 1569 suite à un démêlé avec Philibert de Rye, capitaine général d'artillerie de l'armée des Flandres (Pays-Bas) , ce dernier sera condamné à pensionner les trois orphelins ainsi que de faire donner des messes pour le repos de son âme.
Lorsque l'on est le fils de l'abbé de Saint-Claude et coadjuteur de l'évêque de Genève, chef du parti aristocratique, seigneur de Vuillafans, cela aide à se faire pardonner...
Pourtant, les deux hommes avaient en commun la haine que portent les seigneuries historiques, ancienne noblesse d'épée, vis à vis de la famille De Granvelle (famille d'arriviste d'Ornans pistonnée par Charles Quint, n'ayant jamais payé l'impôt du sang et pillant pour leur propre compte familial les fonds de la Comté).
Mais Simon avait deux choses à reprocher à Philibert, d'une part que six ans plus tôt Joachim de Rye soit justement le sommelier de corps de Charles Quint (couvrant sans doute trop d'exactions) et d'autre part que l'évêque Ferdinand de Rye (grand réformateur de l'église et nouvel ordinateur des prêtres, seigneur de Châteauvieux) pose problème à Éternoz (où les d'Esterno tenaient leur paroisse depuis 150 ans...).
Commentaire d'époque : « Le séjour continuel des seigneurs dans leurs châteaux, sans avoir autres personnes que de leurs domestiques ou de la petite noblesse de leurs voisinages, toujours rampant en leur présence, les rendoit fiers, arrogants et remplis d'eux-mêmes, ne croyant aucune grandeur égale à la leur, en quoi ils étoient bien différents de ceux qui sont élevés à la cour, à qui la politesse et l'honnêteté semblent naturelles. Ce peu d'éducation leur causoit des duels. »
Les domaines des deux seigneurs sont très imbriqués, source de nombreux conflits et les De Rye résistent mieux au vin de leur vallée que sert l'aubergiste...
Son frère mourra de ses blessures reçues en Flandres lors de l'assaut du fort de l’Écluse.
En 1590, la famille acquiert le château de Refranche qu'elle ne gardera qu'une quarantaine d'années car celui d'Éternoz sera reconstruit.
En 1595, c'est Pierre qui commande les troupes qui partent de Salins au secours de Poligny et Château-Châlon qu'elles libèrent contre Henry IV.
Il mourra de ses blessures mais il est des alliances que l'on ne peut oublier.
Il était seigneur de Refranche, Alaise, lizine et Malans et vassal de la maison de Vergy, mais ne vivra pas assez longtemps pour éduquer son enfant.
Son fils Claude gouvernera le château d'Ornans, à 29 ans, depuis son nouveau château de Refranche, il écrit un livre répréhensible au vue des bonnes mœurs portant le titre ''l'espadon satirique'' et le signe Franchère (Refranche).
Son petit-fils Louis se ruinera jusqu'à vendre le château familial.
Mais en 1638 c'est son oncle Guyon (3ième branche de la famille, capitaine d'une compagnie de 100 hommes de guerre au service de l'Autriche) qui rachète la seigneurie d'Esterno mise en vente par autorité par le parlement de Dole en 1660 (Esterno ab œterno !).
Son frère, François, ne légitimera la fille de sa servante qu'en 1650, les privilèges n'effacent pas la moralité familiale.
Alexandre est pris au siège de Salins en 1668 dans le fort de la Ratte qu'il défendait lors de l'invasion de l'armée de Louis XIV.
Il prêtera serment de fidélité au Roi onze ans plus tard, désormais la famille se reconvertit en militaires du Roi de France.
Lambert commence à servir à 16 ans, en 1693, il est en Italie à la bataille de la Marsaille.
En 1724, Collan et Refranche dépendent en grande partie de Lambert, Chevalier de l'Ordre de Saint-Louis, Comte d'Esterno, deuxième place dans l'Assemblée des États (par sa seigneurie de Pitgam en Flandres donnée par Louis XV à son cher et bien aimé), lieutenant-colonel du régiment d'infanterie du Grosbois avec huit domestiques autour de lui.
En 1733 c'est son fils Philippe-Joseph qui lui succédera au poste.
Puis c'est le tour de Philippe-Antoine-Joseph-Régis qui fera une carrière fulgurante:
1756, 'Chevau-légers' de la garde puis Capitaine royal de cavalerie en Pologne.
1766, Grade de Cornette (meneur d'une troupe).
1769, Son union avec Adélaide-Honorée, fille du Marquis d'Ecquevilly
(un bras droit de Louis XVI) fut célébrée à Versailles devant leurs Majesté
et la Famille Royale qui signèrent l'acte de mariage.
1770, Grade d'Enseigne (porteur de drapeau) puis Second Lieutenant
de Compagnie de chevaux-légers de la Garde.
1776, Rang de mestre de camp puis Premier Lieutenant de la même compagnie.
1781, Maréchal de camp puis nommé Ministre plénipotentiaire
(presque Ambassadeur) à Liège.
1782, Nommé à Berlin d'où il informe le Roi de la situation en Prusse.
Au plus près du Roi de Prusse Frédéric II, il se fait doubler par Mirabeau
(futur leader révolutionnaire) qui dira de lui ''qu'il n'avait ni pénétration,
ni adresse, ni caractère'' (les deux hommes se haïssaient,
et Mirabeau veut la place, le roi avait envoyé ce dernier dans la région à
la demande de ses parents à cause de sa grande dissipation d'argent et de
sa mauvaise conduite en général...)
1785, Chargé d'affaires à l'Ambassade où le renseignement devient son quotidien.
1790, Et comme tout espion, c'est ''des suites d'une morsure que lui avait fait à
la main droite un petit écureuil familier'' que le Marquis d'Esterno,
Ministre plénipotentiaire de France,
Chevalier de l'Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis,
Chevalier de Saint-Georges, Baron de Montfort et Seigneur de Lavane,
meurt en poste à Berlin.
Assassiné par un écureuil en temps de paix, fallait y penser !
On ne se méfie jamais assez des petites bêtes...
En 1791, c'est Mirabeau qui est élu président de l'Assemblée Nationale et en rajoute une couche '' on ne peut pas garder un imbécile d'ambassadeur qu'on avait à Berlin''.
Mirabeau utilisait le château de Nans-sous-Sainte-Anne pour ses discrets ébats amoureux depuis que sous le Roi, ses parents avaient obtenu son placement d'office au château de Joux, (il a faillit réduire toute sa famille au surendettement).
En 1810, Ange-Philippe-Honoré (Baron d'Esterno et de l'Empire)
est nommé Chambellan (Service de la chambre) de l'Impératrice-Mère
Maria-Letizia Bonaparte, la maman de Napoléon Ier...
De 1820 à 1822 il sera député votant du côté des monarchistes-constitutionnels.
Le 4 août 1839, le Roi Louis Philippe l'autorise à ouvrir une banque émettrice
de billets à Dijon.
En 1864, Ferdinand-Charles-Honoré-Philippe, suite à son étude scientifique
sur le vol des oiseaux, dessinera le premier oiseau-planeur-individuel.
Il écrira dans un de ses livres :
''Les privilèges des corporations d'entreprise (bourgeoisie)
se sont développés dans un petit nombre de mains,
ce sont là des événements auxquels les idées de 1789 ne peuvent rien.
Le monopole et le privilège sont partout comme autrefois,
mais l'hérédité dans le privilège n'est nulle part.
Les idées de 1869 devrait être celles d'une ère nouvelle: la liberté.''
On comprend son désarroi depuis que la noblesse est désormais prise en tenaille entre la révolution française et la bourgeoisie.
Mais d'ici à conseiller Napoléon III au nom de la liberté du peuple, il fallait oser...
Il n'est pas sûr que les communards qui barricadent les grandes villes deux ans plus tard aient la même notion de la liberté.
Il n'empêche que son livre sur les causes de la misère de 1842 est suivi économiquement à la lettre par l'Empereur...