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Lors de la guerre russo-polonaise de 1920, mon grand-père est fusillé par les russes.
Ma mère quitte donc sa Pologne natale à l’âge de 18 ans.
Arrivée à Paris, elle rencontre un espagnol qu’elle épouse.
Je suis née le 2 mars 1933 de ce couple qui rejoindra bientôt l’Espagne.
Pendant la guerre civile espagnole, je retourne à Paris avec ma mère en 1937.
A partir de ce moment, je ne reverrai jamais mon père et ne sais quel sort cette guerre lui a réservé.
Dans ce Paris occupé, en 1942 ma mère est appelée au Service du Travail Obligatoire en Allemagne.
Je n’avais pas 10 ans, ma mère se cachait, le moindre contrôle l'aurait envoyée en Allemagne.
Je me rappelle de ces temps de clandestinité, des phrases apprises par cœur en cas de contrôles...
C'est la famille Lissac qui nous a aidé car monsieur Georges Lissac, qui avait ouvert le premier mégastore optique rue de Rivoli, a employé ma mère en la faisant passer pour une “amie proche”.
Pendant les vacances scolaires de 1943, j’ai été envoyée à Coulans-sur-Lison par la Croix Rouge.
On m'avait dit que je partais dans une famille à la campagne pour fuir Paris.
Et c'est dans ce village, que le bonheur a commencé pour moi comme pour le petit René qui était chez Constant et Juliette Bordy.
Mr Demontrond Alphonse et son épouse Eugénie m'ont fait vivre cette guerre comme des vacances heureuses.
Ils n’avaient pas d’enfants et leur gentillesse avec moi était telle que je ne tardai pas à les appeler tonton et tata.
Je suis ce qu’on appelle affectueusement dans ces villages : ''un enfant de la guerre''.
Je suis surtout la seule qui a rencontré le fantôme de Coulans !
Dans cette grande maison, se cachait à l’étage, un ami de la famille...
J’entendais donc de temps à autres de drôles de bruits au-dessus de ma tête.
Lorsque j'en parlais à tonton Alphonse, il prenait son air sérieux et m'expliquait le phénomène par la présence de souris.
Mais cela m'intriguait...
Je me calfeutrais dans ce couloir, là où est la cachette des anciens prêtres, pour écouter ces étranges bruits à l’étage.
Puis tonton Alphonse a dû se mettre d'accord avec le “fantôme” qui, un jour, est descendu et m’a dit: “C’est moi que tu entendais marcher là-haut”.
Des bottines serrées jusqu'aux genoux, un pantalon bouffant aux cuisses, une veste de chasse, un béret sur la tête, il s’agissait d’un sexagénaire en tenue de chef de bataillon de chasseurs à pieds.
On est devenu amis, je le voyais souvent le soir après l’école.
Il m’aidait à faire mes devoirs et m'expliquait le calcul avec des histoires compliquées de baignoires qui se vident et des trains qui arrivent à l'heure.
C'est qu’il était directeur d’école (à la retraite) en plus de chef de bataillon de réserve.
Je n'ai pas compris pourquoi, il ne fallait surtout pas parler de lui dans le village.
Qu'importe, j'étais contente qu’il passe du temps avec moi.
Puis cette guerre c'est terminée, j'ai grandi et appris sa véritable identité.
C'était le Colonel Justin Bérion qui, recherché activement par la Gestapo, chef de la résistance locale avait trouvé ici une planque sûre.
Justin Bérion, allias Bernard entre en résistance dès mars 1942 et se cache entre-autre ici depuis ce 17 février où la Gestapo l'a manqué chez lui.
Sous l'identité officielle d'un Mr Dumont, agent en assurances, il réside incognito à Coulans pendant ces années.
Il semble que l'abbé Barrand est le seul à faire la liaison entre lui et son réseau.
Le 12 juillet 1944, il installe le poste de commandement de la résistance Loue-Lison dans les bois de Maillot.
Les gendarmes d'Ornans et d'Amancey, les agents des PTT sont acquis à sa cause.
Les allemands de l’armée d’occupation sont chez Petithuguenin, réquisitionné à Eternoz, mais évitent largement les histoires.
Chaque village (dont Coulans) a formé sa sixtine de volontaires pour la libération.
Le bataillon SS de Valdahon composé de russes et ukrainiens exécute une partie de son encadrement allemand et passe au maquis.
Le 26 août 44, les hommes du Colonel Bérion reçoivent la reddition et capturent donc des dizaines d'ennemis.
Mais Willy Ring, le capitaine qui dirigeait la 30 ième division SS, enferme les hommes d'Ornans et menace de tuer tout le monde.
Ornans était mis à sac par ses supplétifs du Caucase qui détruisaient et pillaient tout sous l'effet des cuves d'alcool à 90°, qu'ils avaient trouvées aux distilleries.
Les SS en fusillaient quelques-uns tous les jours pour tenir la discipline et éviter les désertions dans leurs rangs.
Dans l’ignorance de tout cela, j'étais loin de m'imaginer que c'est mon” fantôme” qui ira un jour d'août 44 se présenter directement aux SS pour leur expliquer calmement que s'il touchent aux 150 otages d'Ornans, il fait abattre immédiatement le double de prisonniers...
Trois mitrailleuses lourdes étaient alors braquées sur les otages parqués dans une cour intérieure.
Il avait accepté de mourir ce jour-là.
Un chef “terroriste” seul, face aux nazis dans la ville morte et dévastée, allant directement tenir tête aux fous-furieux !
Mais l'édifice hitlérien s'écroulait alors de toutes parts et Ring s'en est allé dans la précipitation mais écouta le colonel et Ornans ne fut heureusement pas un autre Oradour-sur-Glane.
Je me rappelle également de ces drôles de petits chevaux que j’ai également vu un soir furtivement, en train de s’abreuver à la fontaine située devant la maison.
Là aussi, c'est par la suite que j'ai su que ces chevaux des steppes avaient été pris aux ukrainiens puis donnés aux paysans
Les petits chevaux donnaient bien du mal aux paysans qui les cachaient.
Ils ne comprenaient que les vociférations orientales, les gars d'ici ont eu bien du mal avec eux …
C’est encore moi que l’on asseyait sur le mur de la cure pour prévenir ceux qui y distillaient les cerises et prunes de l’éventuel passage d’un indésirable.
Les allemands stationnés aux alentours finiront entassés à une cinquantaine comme prisonniers à l’école du village.
Ils fabriqueront du charbon de bois au bord du Lison dans de dures conditions,
au lieu-dit qui porte toujours leur nom.

SOURCES : Témoignage de Madame Isabelle Lissac , 2012.
L’affaire d’Ornans : Août 1944, Mme Gabrielle Sigmann-Bérion , 1979.
Témoignage de Monsieur Louis Petithuguenin, 2005.

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