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I - Pages d'histoire

Il fallut à Coulans (comme dans toute la France) construire un monument aux morts pour glorifier la grande boucherie de 14-18.
La chose est encore douloureuse, car ici deux victimes malheureuses sont enlevées aux forces vives se raréfiant déjà au village (dont une par erreur de tir...).
Joseph Demontrond (le maire) exécute l'ordre préfectoral de 1922 qui ordonne à la moindre commune d'édifier son monument.
Jusque là tout va bien, mais le fier Joseph va un peu trop loin...
Il fit inscrire sur le flanc du piédestal : ''Sous l'administration Demontrond Joseph''.
Édifier un monument pour immortaliser les dramatiques événements est une chose.
Y apposer son nom au même titre que les victimes dans le contexte de glorification de l'époque en est une autre.
La grogne et les moqueries montent au village, on dit dans son dos que le maire est bon sculpteur...
Puis vint le tollé général des conseillers municipaux contestant cette audace bien trop personnelle et le ton est monté d'un cran au conseil.
Le problème étant gravé, cela va être dur à enlever...
Retravailler ce petit chef d’œuvre n'est pas sans risque pour la sculpture, chef d’œuvre du sculpteur Joseph Mercier d'Amancey.
La solution retenue fut de faire rajouter : ''et des Conseillers Municipaux''.
Au moins, on pourra faire comprendre aux générations futures qu'il n'était pas tout seul au monde !
C'est donc chose faite.
Cette statue est semble-t-il une réplique miniature d'une autre dont on recherche la commune.
Joseph suivait de près cette sale guerre (où son fils fut prisonnier) et partageait les nouvelles du front avec les autres habitants également inquiets.
Des journaux de 1916 lui appartenant ont été retrouvés sous un vieux lino
à l'autre bout du village.
Journaux parisiens : L'écho de Paris, Le petit parisien, Le matin.
Journaux régionaux : Le petit Comtois (républicain démocrates)
L'éclair Comtois (union libérale)
La croix Franc-Comtoise (chrétien)
On peut en déduire qu'il avait un intérêt régional et national pour les actualités,
une lecture républicaine de droite de la politique, une morale religieuse
et était adepte des idées libérales en économie.
Proche du parti de l'Action Libérale Populaire à l'époque en perte de vitesse.

L'un était allemand, l'autre français.
L'un et l'autre étaient paysans, pratiquants, haïssaient la guerre et se méfiaient du patriotisme des hommes.
Ce dix avril 1939, c'est Frantz le paysan bavarois, qui reçoit son ordre de mobilisation et intègre la Wehrmacht.
Il y attendra le départ de son convoi qui suivit tranquillement les divisions Panzers et la Luftwaffe chargées d'écraser rapidement la ligne Maginot et l'armée française.
Ce deux septembre 1939, c'est Louis le paysan d'ici, qui reçoit son ordre de mobilisation et intègre une longue colonne d'hommes et de chevaux tractant
des canons en direction du front.
Lorsque son convoi éclate dans un mélange de sang et d'acier sous les sirènes
et les bombes des Stukas.
Pour lui, la guerre est apparemment finie et il reprend comme il peut le chemin
de sa ferme.
Ce mois de juin 1940, alors que l'on vit dans l'angoisse de l'arrivée imminente des allemands (tueurs d'enfants et violeurs de femmes comme le disait la rumeur),
un groupe mécanisé s'arrête pile devant la ferme du Louis avec l'ordre de
s'y installer.
Le sang glacé, ses dernières prières dites, ayant aidé sa femme et sa mère à s'enfuir par l'arrière de la maison, Louis vint seul à leur rencontre.
Lorsque contre toutes attentes, Frantz sauta d'un camion et plia délicatement une
jeune greffe du verger afin de la protéger du passage des véhicules.
Commença alors une longue cohabitation forcée qui donna aux deux hommes le temps de se comprendre.
Louis s'aperçoit vite que la consigne des allemands est de se faire accepter par
la population malgré leur tâche consistant à réquisitionner des denrées alimentaires pour l'Allemagne.
Il sent aussi leur peur du dérapage, de la SS et leur possible affectation sur le front meurtrier de l'Est.
«Guerre nicht good» disait discrètement Frantz au Louis qui acquiesçait .
Déjà, de jeunes résistants s'attaquent aux écluses autour de Besançon et tentent d'empêcher l'envoi des réquisitions, mais ici, la proximité et l'exécution potentielle d'otages civils paralysent la résistance locale.
Louis se retrouve bien seul dans cette situation délicate car la méfiance et un cordon sanitaire étanche aux informations s'organise autour de lui.
Un compromis de fait s'installe entre les deux paysans ; rien à demander pour l'un et rien à dire pour l'autre, ce qui finalement arrange tout le monde.
La ferme, l'élevage et les cultures deviennent les sujets de conversation
du quotidien.
Un jour, Frantz promis de rapporter une brouette allemande qu'il jugeait bien meilleure que la franc-comtoise.
Ainsi, dans l'Europe dominée alors par la haine et les barbaries, une France s'adonnant en grande partie à la dénonciation intéressée, ici un respect puis une amitié s'installent progressivement entre les deux hommes.
En septembre 1944, les américains et la résistance investissent le village.
N'ayant pas de temps à perdre, ils ordonnent à Louis d'enfermer les allemands
dans la cave.
Ce jour là, les rôles s'inversèrent du tout au tout, les allemands passèrent d'occupants à prisonniers et Louis d'occupé à geôlier.
Mais la relation établie entre les deux paysans ne s'effaça pas pour autant et le prisonnier eut droit au même respect que celui dont il avait fait preuve auparavant.
Les prisonniers allemands furent affectés aux travaux forestiers, (l'école de Coulans en hébergera une cinquantaine ), la France était devenue miraculeusement toute résistante, mais Louis dû accepter sa double peine: la suspicion.
Au lendemain de la tourmente, une main anonyme peignit une croix gammée sur la façade de sa maison.
Ce geste était d'autant plus irréfléchi qu'il ne s'agissait vraiment pas là d'une maison de collabo mais plutôt la maison de deux autruches qui n'ont pas eu d'autres choix politiques à l'époque.
Au contraire, le motus et bouche cousue fut de mise au canton et Reugney put réceptionner des parachutages connus de tous et dont les armes abîmées étaient réparées par la maison Garnier à proximité de celle du Louis, au nez et à la barbe des ''boches''.
Quelques décennies plus tard, Frantz revint comme promis revoir le Louis avec sa fameuse brouette de race supérieure...
Mais cette fois-ci, la discussion porta sur la construction européenne.

«Je me souviens de Bouboule, leur chien qui tirait chaque jour la charrette à Éternoz avec leur peu de lait à la fromagerie, de ces enfants mal chaussés qui venaient chez nous payer quelques dettes avec des pois cassés que l'on ne pouvait accepter».

S'il y eut une famille qui vécut, dans une période récente, une des existences les
plus dures à Coulans, c'est sans conteste celle de Charles Gavignet.
Dès 1936, il intervient auprès du maire qui , au nom du conseil municipal, écrit au préfet du Doubs pour demander l'affectation à l'école d'un instituteur car six enfants du village marchent six kilomètres par jour et par tous les temps pour se rendre à l'école d'Éternoz.
Réponse de la préfecture : que la petite Anne-Marie reste chez sa tante de Gevresin et que voici 200 francs pour acheter des chaussures aux autres,
ce qui les aidera à marcher !
Il a 49 ans lorsque son épouse décède deux mois après la naissance
du septième enfant au début de la guerre !
Petit cultivateur très occupé, il élèvera seul ses enfants mis de suite à pleine contribution pour survivre :
Berthe 16 ans, Anne Marie 14 ans, Gabriel 11 ans, Joseph 10 ans, André 8 ans,
Jean 2 ans et le bébé Daniel.
Démuni, il est l'un des trois enfants d'Ernest, veuf également et orphelin de père.
Sans maison familiale, il louera fermage très difficilement au village
jusqu'aux années cinquante.
Hommage à celui qui mérite vraiment le paradis.

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