«L'effondrement de la voûte du chœur s'est produit le 18 janvier 1894, on a trouvé dans les débris un certain nombre de pièces ou médailles de différentes grosseurs.
Elles portaient une effigie avec une inscription latine.
L'une d'entre elles portait une date du 13 ième siècle».
Au 13 ième siècle, les pièces en or qui circulent sont des écus d'or de Saint Louis et des monnaies étrangères comme les florins des négociants florentins ou vénitiens.
Dès 1536, quatre ''Ferie de Bizansone'' par an sont organisées par les
marchands-banquiers italiens.
De riches voyageurs de passage faisaient une halte au village pour, entre autres,
prier dans son église et donner une offrande à l'abbé.
Ces pièces peuvent provenir également de dons faits aux enterrements de hauts personnages pour aider à l'entretien du lieu.
On peut croire que les abbés successifs se transmettent ces sommes cumulées en prévision de nécessités concernant l'église puis cachées pour que la ''terreur'' révolutionnaire ne mette pas la main dessus à l'occasion d'une razzia ou par l'intermédiaire d'un abbé obéissant.
Il pourrait donc s'agir d'une somme cachée par l'abbé royaliste (et présenté par le Comte d'Éternoz) Jean Batiste Gervais qui était en place en 1791.
Il est possible également que cette cache soit d'origine plus ancienne car Brisebarre (Jean de Bolandoz) pille la contrée vers 1360 avec l'aide des ''routiers'' ou ''grandes compagnies'', ces soldatesques errantes (cas du trésor des 180 florins à la fleur de lys et à l'image de Saint Jean-Batiste découverts dans le parc du château de Cléron).
Quelques exemples de riches donateurs:
Dans la lignée belliqueuse des Jean de Chalon (basée au château de Nozeroy où son propre trésor est caché dans la cave voûtée condamnée d'une grosse pierre sous la tour au toit de plomb et dont les d'Esterno sont les alliés), citons Jean IV (1443-1502), seigneur (entre autres) de Nozeroy (Mièges), Salins, Montfort et Arbois, fils de Catherine de Chalon qui a dû en laisser quelques-unes car l'église est sur la route qui relie ses châteaux.
Peut-être en remerciement au curé de ''Collans'' (le noble Guy d'Éternoz) qui fit des dons jusqu'en 1429 au profit de l'hôpital charitable de Nozeroy fondé par
Hugues de Chalon en 1360.
Le lien Coulans-Mièges se vérifie aussi en 1747 avec le vicaire nommé Quattre.
Des prêtres constituaient entre eux une ''familiarité'' (groupe travaillant ensemble
sur le même projet), notamment celui d'attirer le pèlerin car il est de coutume de marquer sa dévotion par le don d'une pièce.
L'église est depuis tout temps une source de revenus surtout si elle se trouve sur le chemin des pèlerins (pèlerinages sur la tombe de Saint-Caude, Saint-Anatoile à Salins, le Saint-Suaire à Besançon,Notre Dame des malades à Ornans et plus récemment Notre Dame du chêne à Scey-Maisières) avec messe à l'aube du départ.
En 1894, du ciel tomba un plafond maçonné, un toit en lauzes et l'argent pour le
reconstruire en tuiles, un vrai miracle...
I - Pages d'histoire
Lorsqu’en août de l’année 1900 Louis Pergaud, jeune normalien de dix-huit ans, est invité par son ami Joseph Chenevez à Levier, il lutte contre la dépression nerveuse.
Son père Elie vient de mourir en février et sa mère Noémie quitte le monde juste un mois plus tard.
Le siècle débute sombrement avec ce double choc, Louis Pergaud est si fragilisé qu’il ne pense pas être capable d’écrire et encore moins de publier quoique ce soit.
Ses tristes pensées d’alors lui donnent le sentiment d’être incapable en écriture, ses petits écris ne retiennent d’ailleurs l’attention de personne.
Mais à Levier, d’heureux souvenirs d’enfance lui reviennent en mémoire.
Non loin de là se trouve Nans-sous-Sainte-Anne, village de ses sept, huit et neuf ans.
Son ami Joseph compte s’en servir pour lui remonter un peu le moral.
Flâner dans les rues de ce petit village industrieux abritant cinq usines, où des centaines d’ouvrières et d’ouvriers triment au rythme du Verneau et du Lison qui entraînent les grandes roues à aubes.
Revoir cette école, où ses parents logeaient au-dessus de la classe pour garçons, où les cris de ses camarades résonnent encore, où son papa d’instituteur avait en charge leur instruction.
Des premiers sourires vont enfin éclaircir son visage…
A sept ans, parmi la bande hétéroclite des gosses de son village, il lui a été difficile de résister aux R’lavoux, la bande ennemie du village de Montmahoux qui domine leur vallée escarpée.
Pour tenir face à ces enragés, la position à défendre à tous prix était la tour Montrichard.
Position historique et centrale qui permet de visualiser d’un coup d’œil les quatre voies d’accès du village.
De plus, elle barre le chemin qui déboule du château de Montmahoux, cette ancienne voie du sel mène au repère des ennemis.
Combien de combats ont eu lieu dans le bois dit des batailles ?
Pour tenir, il fallait lier des alliances avec ceux de Sainte-Anne, autre bande victime des R’lavoux qui pour s’en défendre avait reconstruit de bois leur forteresse historique dominant le village.
On appelait les '' Saint'Anniers '' à l’aide grâce à un miroir qui envoyait les signaux lumineux et comme aux temps chevaleresques, on communiquait de château à château.
La position de ceux de Sainte-Anne avait l’avantage de pouvoir nous prévenir à l’avance des éventuels préparatifs d’invasion.
Notre sensible petit Louis fut un jour pris par ces sauvages R’lavoux, qui le firent prisonnier, le déculottèrent et lui infligèrent un humiliant châtiment en le fessant sous les cris victorieux de ces barbares de R’laveurs de fromage.
Depuis cette traumatisante expérience, Louis s’était placé sous la protection d’Eugène Chatot, de deux ans son aîné, le fils de la receveuse des postes du village.
Eugène avouera bien des années ensuite :« Avec Louis, dans les bois et les champs de Nans-sous-Sainte-Anne, j’avais vécu quelques-unes des scènes de la guerre des boutons ».
Deux années durant Eugène avait égaillé son enfance, passer à Nans sans le revoir est impossible, Louis le cherche mais il est introuvable.
Reste à aller voir les amis Philibert qui habitent encore la taillanderie et par bonheur, Eugène s’y trouvait aussi.
Débuta alors une journée magique et historique, l’étincelle qui manquait au futur grand écrivain.
Voici notre Louis entouré par Joseph, son copain d'étude et, pour la première fois depuis 10 ans, par Eugène, les compères ne se quitteront plus.
Les vins locaux eurent vite fait d’installer au visage de Louis un large sourire désormais permanent et l’aidèrent à dominer sa timidité, à prendre une nouvelle confiance en lui.
C’est ici et ce jour là, dans l’âtre de la vieille taillanderie et parmi la vingtaine de convives réunis en banquet dans la cour que Louis pris son envol créatif.
La providence fit qu'Eugène présenta à Louis le poète déjà reconnu dans les milieux littéraires Léon Deubel.
Ce dernier ne mit pas longtemps à reconnaître chez le jeune homme des capacités littéraires remarquables et pour la première fois une référence le complimenta sincèrement.
Par la suite, Deubel permit à Louis Pergaud de faire ses premiers pas dans les milieux littéraires parisiens et la suite est connue.
Non seulement sans ce village de Nans-Sous-Sainte-Anne Louis Pergaud ne serait peut-être aujourd’hui qu'un anonyme, mais le thème de son célèbre roman, la guerre des boutons, ne serait peut-être pas le même.
C’est grâce à Nans qu’il prit résolument la décision d’écrire comme c’est à Nans qu’il vécut ces bagarres rangées qui plus tard l’inspireront.
Est-ce un hasard si dans le roman apparaît la Marie Tintin et qu’à Nans il connut Marie Jacquet dont le père se surnommait Tintin la Mouillotte ?
Et Gambette, est-ce un hasard si au village c’était le surnom de Léon Frachebois, le fils du vieux républicain ?
Ce n'est donc pas un hasard si Eugène expliquera plus tard que la plus grande partie des personnages du roman sont des enfants de Nans !
Mais n’ouvrons pas aujourd’hui de nouvelles hostilités entre clochers et laissons Landresse dans ses certitudes…
Il faut également tenir compte d'autres villages du Doubs pour trouver toutes les sources du roman.
Les rixes entre gamins de Blamont où naquit Louis puis celles de Guyans-Vennes qui ont succédé à ses deux années passées à Nans en font partie.
Aucuns boutons n'étaient en réalité arrachés lors des bagarres, la réaction des parents aurait été terrible en ces temps difficiles.
D'où vient donc cette idée saugrenue de boutons?
La réponse semble contenue dans le livre de Gaston Coindre (Mon vieux Besançon) écrit quelques années après que Louis eu quitté l'école normale située au cœur des quartiers les plus populaires de Besançon.
L'auteur explique qu'il a fallu attendre 1852 pour que la police domine enfin les combats violents entre bandes de gamins.
Les Bousbots de Battant démarraient les hostilités avec un cri de ralliement : ''à cu les Saint-Paulots, à cu les Jeannots'' (quartier Saint-Paul et Saint-Jean).
Être blessé était une fierté, fait prisonnier était horrible, on n'en revenait que ''tous boutons d'habits coupés'' en plus de pierres attachées aux jambes!
Nous retrouvons là l'expression du roman ''à cu les Velrans'' ainsi que son titre: ''La guerre des boutons''.
Revenons à son papa Elie qui n’était pas un assidu de la messe et n’avait pas que des amis en retour au village, ce sacrilège était dévastateur pour la réputation d’un instituteur à l’époque.
Il fut nommé à Nans par ses supérieurs un peu comme on donne une punition.
Ce jour du dix-sept juillet 1889, un drame se déroule au village, la fille du philosophe Jules Lachelier glisse dans les profondeurs de la perte du Creux-Billard.
Elie cherchera inlassablement pour son ami le corps de la petite victime.
Il le retrouvera échoué dans les marécages du centre du village après s’être coincé deux mois durant dans le siphon de la source permettant à la famille de débuter enfin son deuil.
Aujourd’hui une croix commémorative forgée par les Philibert marque le lieu du drame.
Le philosophe (et inspecteur général) aidera ensuite Elie à obtenir une mutation plus adéquate à ses souhaits.
Louis avait également un ami aussi méritant que discret: Emile Carrez également instituteur.
Le hasard a également voulu que ce soit son petit-fils, le regretté Gilbert Carrez qui fut récemment Maire de Nans-Sous-Sainte-Anne et fit installer le buste de l’écrivain dans son ancienne salle de classe.
Jusqu’à sa mort sur le front en 1915, un souvenir trônait au salon de la maison Pergaud : une belle assiette provenant de la faïencerie imprimée en son centre d’une photo de la source du Lison.
On a peine à imaginer la valeur qu’elle représentait pour lui.
Après la «grande» guerre qui brisa l’élan littéraire de l’écrivain, Eugène Chatot se remaria avec Delphine, sa veuve de seconde union, et avec l’aide de Jules Carrez (père de Gilbert), Joseph Chenevez et Léon Deubel créa l’association actuelle des amis de Louis Pergaud.
Sources : Bulletin N°4, 5 et 39 des amis de L.Pergaud, Introduction d’Eugène Chatot aux Lettres de Léon Deubel,Mon vieux Besançon de Gaston Coindre, indications de Gilbert Carrez, Brice Leibundgut et Philippe Cormery.
« À la nuit finissante, on descendait en silence la pente qui mène au Lison lorsque je vis clairer furtivement une cigarette sur la pente d'en face.
On décida donc d'obliquer vers l'amont de la rivière pour avoir l'avantage
sur ceux d'Alaise.
Nos fourchettes harponnaient les truites tandis que les bougres d'en face se débrouillaient dans l'eau troublée d'aval toute la matinée ».
La truite et l'ombre sont les poissons les plus recherchés par les bisontins.
Au point d'empester le poisson chargé à Cademène (l'arrêt est spécialement obtenu) dans le tacot qui les menait à la vente place du marché devant le café de la Bourse.
À Éternoz, au moment du frai, le ruisseau de la vau se remplissait de truites comme les torrents du Canada de saumons.
C'est par voitures pleines qu'elles se vendaient à Levier à 0,40 Frs la livre.
Mr de Montrichard (le conseiller général d'Amancey) proposait à l'époque au
Préfet de barrer carrément le ruisseau !
En 1907, la commune opposa le fait que cela inondera le chemin de berge
et sauva ainsi ses truites.
La lutte est en effet inégale entre les braconniers et le garde qui ne peut qu'amender une fois par jour à 6,25 Frs le même délit et passe le reste de la journée à regarder le pêcheur accumuler jusqu'à 80 livres de truites pour 32 Frs.
Autant parler de taxe plutôt que de procès verbal...
Déjà en août 1896, le préfet gratifiait le garde de 100 Frs pour son zèle.
En 1912, les lignes de fond constellées d'hameçons posées pour la nuit et les profondes nasses de filet sont interdites.
Avant 1914, des familles entières vivaient encore de la pêche, en 1524, on recensait entre autres des aloses, des barbeaux, des anguilles et des truites saumonées...